Lire Nicolas Mathieu c’est revivre.
C’est revivre ses premières pelles derrière les toilettes du collège, le dîner de Noël où l’oncle fait le coq pour impressionner la tablée, les émotions contradictoires d’un accouchement, les non ambitions dévalorisées, la mort d’un proche, les parents taiseux qu’on aime et déteste dans la culpabilité, un supérieur hiérarchique pathétique mais on lui rend ses sourires trop marqués.
C’est revivre les rendez-vous manqués, les revanches sur la vie, les enfants baladés, les premiers troquets, la meilleure amie pour la vie qui dure deux ans, les nuits sans lendemain travaillé et les décisions sans conséquences, un mazagran sur une toile cirée délavée par le temps, réviser au dernier moment, la culpabilité de ne pas aller voir si souvent ses vieux.
C’est revivre les états d’âme du mitan de la vie, les soirs où on ne s’est pas démaquillée, se satisfaire un temps de la médiocrité, la cigarette écrasée dans la tasse de café à la fin d’un repas de famille, l’inévitable désamour conjugal, les gestes maladroits quand on fait l’amour pour la première fois, le même guéridon depuis 40 ans chez les parents, pleurer parce qu’on pense ne jamais se relever, une nuit d’ivresse dont on a honte, changer une couche pour la première fois, retrouver un premier amour…
Plus qu’un grand roman social, Connemara est une formidable machine à remonter (et revivre) le temps.
Connemara, Nicolas Mathieu. Actes Sud.
Lisez-le. Forcément. Et dans la lignée des grands romans qui feront l’événement, ne ratez pas Sa Préférée de Sarah Jollien, qui sort le 25 août 2022. C’est un petit chef d’oeuvre !