L’achat d’une baguette ou de croissants dépassant rarement, en durée, une épilation du maillot ou un soin du visage aux 25 huiles essentielles qui sont top pour le renouvellement de tes cellules, le temps du bavardage superficiel en est considérablement raccourci.
Mais, dans le fond, est-elle réellement moins stupide ?
Rien n’est moins sûr.
Mon dieu, quel suspense insoutenable, n’est-il pas ? Ma grande interrogation est la suivante :
J’aimerais qu’on m’explique ici bas, pourquoi dès que t’as un môme, ben la boulangère elle se sent obligée de sortir un bon mot (enfin, pour elle, rapport que toi ça te fait moyen marrer vu ton niveau d’exigence humoristique), de s’entretenir avec ton enfant qu’en a rien à taper, rapport qu’il a le nez collé à la vitrine aux bonbons colorés à outrance par les substances chimiques, qui sont trop pouah et que le bio, c’est vachement mieux !
T’as déjà vu des crocodiles Haribo bio, toi ?
Ouais, je te le dis, y’a hypocrisie en la demeure.
Ma boulangère elle est sympa au demeurant, mais elle est vraiment niaise.
Quand je passe, certains soirs, avec Cyclamen, au Royaume du pain complet et consorts, la scène est invariablement la même.
Elle regarde Cyclamen et lui dit « bonjour toi, tu vas bien ? »
???!!!
Qu’est-ce que tu veux qu’elle lui réponde cette pauvre gamine, sans déconner ? « Non, c’est pas le top, rapport à mon job, on est en train de fusionner et comme qui dirait, y’a des têtes qui vont sauter » ou encore « Ouais super, je viens d’arrêter le Prozac sans trop dérouiller, je suis une autre femme ».
Oui, on est bien d’accord, on frôle la situation ubuesque !
Donc, Cyclamen, qu’est pas trop con, elle lui répond rien. Elle dit juste, comme tous les soirs : « Moi, je veux un chromfe*«
(*un chromfe, si tu préfères, c’est un schtroumpf = sorte de truc gélifié de couleur bleue et blanche qui veut de te faire croire que tu vas bouffer un personnage de Peyo. Elle sait pas trop bien le prononcer, le vocable, mais j’ai bon espoir qu’on réussisse le challenge d’ici le fin du trimestre)Je répète que non, rapport qu’elle va bientôt dîner et que y’a pas de chromfe qui tienne à cet horaire indécent.
Ben tu sais pas que la boulangère, à chaque fois, elle a le culot de regarder ma fille avec commisération, genre ta mère est pas gentille, moi je t’en donnerais bien, tout ça.
Donc, si on suit le cheminement de sa pensée, on comprend, dans un premier temps, que la boulangère est pro-chromfe.
Sauf que pas du tout, en fait.
L’acte II, c’est que finalement ma progéniture jette finalement son dévolu sur un morceau de baguette.
Et l’autre conne, de sortir un soir sur deux : « Tu sais, c’est très bon le pain, y’a rien de meilleur. Quand mes enfants étaient petits je leur donnais du pain avec de la confiture au goûter et c’était bien plus sain que tous ces bonbons chimiques d’aujourd’hui. Bla, bla. Y’a pu de valeurs. Où qu’on va, je vous le demande ? Et dans l’attente de vous revoir… »
Merci bien, je ne savais pas que nous étions encore sous le régime de la IVème République, tu vois pas qu’on m’aurait menti et que Vincent Auriol est en train de divorcer.
Si t’as la malchance d’avoir des vieilles dans la queue, derrière toi, ça opine du chef et chacune y va de son anecdote. Et zyva que ça crépite sous la permanente mauve !
Oui, tu as envie de te suicider, je te confirme.
Donc, aucune cohérence dans les propos de la boulangère.
Pro-chromfe ou pro-pain, on saura jamais trop si elle a un avis tranché (non, non, ce n’est pas un jeu de mots) sur la question, ou sur quoique ce soit d’autre, d’ailleurs.
Précision : Pour pas que tu penses que je suis une mère indigne, je te signale que je lui donne quand même des bonbons assez régulièrement.
Souvent, sous forme de chantage. Je te donne 6 bonbons, mais tu regardes Tiji pendant 30 minutes sans bouger. Ou un truc assimilé.
En même temps je vais pas la blâmer, tu vois pas que souvent, le soir, je me sustente d’un paquet de fraises Tagada en guise de dîner.
Ouais, mais je t’arrête tout de suite. Si tu bouffes que ça, ça fait pas grossir, c’est une légende urbaine !
P.S. : Une fois prochaine, croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer, je te parlerai du cordonnier.