Papa est parti, pas Wolinski

je suis charlie

Aujourd’hui, en fin d’après-midi, en traversant les rues pour aller au centre de loisirs récupérer ma fille, il régnait un calme froid et angoissant. Les quelques personnes croisées sur mon chemin m’ont étrangement souri. J’ai rendu les sourires sans trop savoir pourquoi (je ne suis pas d’un naturel spécialement affable), et puis j’ai réalisé que c’était de la bienveillance.

Comme si ces sourires fugaces étaient des gris-gris qu’on s’offrait sous le manteau, qu’on se donnait tous pour affronter la vie, l’horreur, l’indicible.

Devant le centre de loisirs, les parents étaient tous agglutinés si près de la porte que le désespoir et la peur étaient douloureusement palpables. Je me suis moi aussi approchée très près, plus près que d’habitude, où les 3 mètres de respiration sur le trottoir sont généralement de mise. La peur m’a saisie à mon tour.

J’ai commencé à avoir du mal à respirer avant que cette putain de porte ne s’ouvre, j’ai saisi ma fille par le bras, on a marché très vite dans les rues quasi désertes, j’ai jeté un oeil à la boulangerie abandonnée et au bar vidé de toute âme qui vive, et la psychose s’est installée.

Sur la route, j’ai essayé de lui expliquer ce qui s’était passé ce 7 janvier 2015 – la date anniversaire de sa mamie appelée joyeusement sur le chemin de l’école le matin-même -, j’ai tenté de simplifier à l’extrême les notions d’intégrisme, de terrorisme et de liberté d’expression. Je ne suis pas pour encapsuler les enfants dans une bulle de licornes, d’arcs-en-ciel et de Bisounours.

Je crois qu’elle a compris l’intégrisme – la liberté de la presse c’était pas ça, curieusement – ou alors elle a fait semblant, mais terre-à-terre comme seuls savent l’être les enfants, sa seule interrogation alors était de savoir comment on pourrait reconnaître ces malades si ils portaient une cagoule.

J’ai répondu t’inquiète, on les retrouve toujours. Mais pendant les 30 minutes suivantes, ce problème de cagoule l’a chagrinée. Et puis elle a regardé Violetta.
Et puis la vie a repris son cours. Et puis on a fait les devoirs. Et puis j’ai fait couler son bain. Et puis le show must go on.

Je pense à une autre (petite) fille ce soir, celle de Wolinski, qui légende cette photo sur instagram d’un « Papa est parti, pas Wolinski ».
Prenez soin de vous.

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41 commentaires

  1. merci pour ce texte.
    Idem en rentrant ce soir, personne dans le bus, dans le métro, une espèce de sidération, de peur, et la chaleur à République, cette envie de tous se prendre dans les bras et se dire que ça va aller, peut-être.

  2. Très bel article, merci pour ces mots qui illustrent bien ce que l’on ressent… et la photo instagram est émouvante à un point..
    (et tous mes voeux, même si on aurait tous préféré un meilleur début d’année)

  3. Je ne suis pas sortie aujourd’hui , mais j’ai eu un peu de mal à dessiner… Wolinski et les autres , et puis Cabu quoi , CABU , LE GRAND DUDUCHE , NOOON !!! :-(((

  4. J ai le coeur serré … Entre la peur, le chagrin et la colère…
    Nous sommes tous charlie, je suis charlie et j ai envie de chialer… :-(

  5. Quel triste jour. Tout à l’heure j’écoutais Philippe Val et au delà de l’émotion infinie ses mots m’ont frappés, les mots qui mettaient en grade contre les amalgames dangereux qu’il fallait éviter et ceux qui disaient de ne pas céder à la peur, peur voulue et désirée par ces fous et puis aussi les mots pour continuer la lutte avec l’humour qui ose tout, et rire, rire toujours, de tout. Aujourd’hui c’est dur de rire alors j vais juste dire que j’aime tes mots et je finirai sur cette note d’amour, c’est important l’amour.

  6. Merci pour ces mots qui traduisent la pensée de chacun. Nous sommes tous Charlie, nous avons essayé de l’expliquer aussi à notre fils de 9 ans et demi. Il a compris ( un peu) et est passé aussi à autre chose mais je sui sûre que ce jour est un tournant et qu’il faut leur expliquer. Ne pas céder a la peur c’est le plus important !
    Merci violette pour ce blog, je commente peu mais te suis tous les jours. Merci d’être toi c’est si bon !!!

  7. Il faudrait tous les citer, n’en oublier aucun. Ils étaient là aussi pour nous. Prenant notre défense, sous des habits divers. Mourant pour des idées, pour la paix.
    Oui, Alexabuzz, c’est important l’amour.
    Et puis, on y a tous pensé aussi, la douceur. L’écoute. L’intelligence, aussi. Parce que ça rend plus tolérants et plus forts – je veux dire, vraiment plus forts – je veux dire d’une vraie force douce -. C’est donc ça, l’Amour, murmurons-nous.
    XXXX
    Anne
    ps : elles sont pas mal nos bloggeuses, Violette et Caro, je trouve <3

  8. Hier soir en sortant du boulot, en face du Louvre, personne. La tristesse dans les rues en rentrant. Et ma fille qui prend un cours de théâtre aux Halles à qui je demande de rentrer direct à la maison en sortant du cours. Je suis restée pétrifiée devant itélé toute la soirée. Je suis CHARLIE

  9. Merci Violette pour ce texte si touchant.
    En province, je n’ai pas eu le sentiment, ni hier soir ni ce matin, que la peur dont tu parles soit aussi palpable, mais il est vrai qu’on se sent sans doute moins susceptibles d’être visés directement par un attentat ici. Take care.

  10. Très bel article qui retranscrit parfaitement ce que doivent penser pas mal de français aujourd’hui. La France saigne, la France a mal…mais quel bel élan de solidarité. J’ai entendu l’interview de la fille de Wolinski ce matin sur Europe 1…quelle émotion, j’en avais les larmes aux yeux. Nous sommes tous Charlie.

  11. Et le lendemain, toujours l’incompréhension… Et la peur, pas d’une quelconque menace physique, mais de ce qui va se dire dans les semaines à venir. Soyons vigilants, exprimons-nous. Ils avaient le courage de le faire à leur façon, eux. Qu’ils en soient remerciés.

    1. Vu ce qu’il est en train de se passer dans la capitale, je suis obligée de rectifier. Je comprends que la « menace physique » puisse faire peur à Paris. J’espère que l’angoisse ne prend pas le dessus. Pensée pour les Parisiens…

  12. Des hommes sont morts hier pour défendre la liberté d’expression, ils avaient refusé d’avoir peur parce que quand on a peur, on la boucle. Ne nous laissons pas terroriser par les terroristes, ne les laissons pas gagner.

  13. évidemment c est atroce. insupportable. notre société est malade et produit des gens malades de colère.rien ne justifie une telle folie. pour autant, petite modération, la provocation n est pas à mon avis la juste réponse face à la folie (je suis psychologue)

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