Un amour impossible

Il aura fallu tout ce matraquage médiatique de la rentrée. Tous ces articles de magazines où elle paraissait si apaisée et même certains passages TV dans lesquels elle a eu, parfois, presque un air amusé, pour que je finisse par acheter mon premier Christine Angot. De guerre lasse.

Au premier tiers du livre, je me suis arrêtée un instant et j’ai pensé que le style n’était pas très littéraire, mais extrêmement narratif. Je me suis replongée aussitôt dans ce récit vif, rythmé, précis, sec et sans pathos, s’étalant sur presque un siècle, et racontant l’histoire d’amour entre un homme et une femme, les parents de Christine Angot.

Au deuxième tiers du livre, j’ai dit mais non en fait, l’objet central du livre c’est l’amour entre une mère et une fille : l’amour inconditionnel, l’amour perturbé, l’amour agacé, l’amour à la folie, le désamour parfois – du coup de fil expédié jusqu’au rejet complet du mot « maman » -, mais l’amour malgré tout.

J’ai refermé le livre sur cette dernière phrase : « Mais trêve de nostalgie, c’est aujourd’hui et maintenant ». J’ai eu envie de faire un câlin à Christine Angot, à sa mère et à la mienne. Je suis sortie bouleversée de cette lecture. Autant que par Sa préférée de Sarah Jollien qui sort le 25 août, et qui est un bijou, un chef d’oeuvre !

Égratignée par la force et la justesse des mots, et en même temps (et assez curieusement) apaisée moi aussi, après avoir terminé ce qui m’a semblé être, plus qu’un roman d’amour filial, le témoignage d’une réconciliation.

Bref, brillant.

Un amour impossible, Christine Angot, 216p, Flammarion

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30 commentaires

  1. Eh ben voilà : même quand tu parles de livres tu me donnes envie de compulser. Je n’ai moi non plus encore jamais lu du Christine Angot et le livre qu’elle a écrit récemment sur l’inceste me fait froid dans le dos rien que d’y penser. Mais celui-ci semble bien plus doux à lire, vu ce que tu en dis.

  2. He bien voilà… Je me demandais si moi aussi je n’allais pas lire mon premier Angot, tu m’as convaincue de le faire…

  3. Alors là, tu excites vraiment ma curiosité! Moi, les histoires d’amour filiale, ça me cause …
    (Et quelle jolie plume tu as! Non pas que je ne le savais pas déjà, mais ça saute moins aux yeux quand tu parles moderie, forcément)

    Besos guapa

  4. J’ai lu un Christine Angot il y a bien longtemps. Autant ce qu’elle racontait était bouleversant, autant son style heurté (comme son phrasé en interview) m’avait été pénible à lire. Ton billet me donne envie de tenter à nouveau de la lire.

    1. Honnêtement, le style est plus que fluide. Je crois sincèrement que son écriture, en même temps qu’elle-même, se sont considérablement « adoucies ».

  5. Tu en parles bien … je n’ai jamais lu Angot non plus, trop de critiques, trop sulfureuse, trop peu « aimable » lors de ses passages télévisés mais la curiosité est là, toujours plus vive.
    Je me laisserai peut-être tentée cette fois-ci

    1. C’est dommage de faire trop attention aux critiques. Y a des années j’en ai ouvert hein, c’était bien. C’est pas ma littérature, mais il y a du talent.

  6. Jamais lu Angot pour – en gros – les mêmes raisons que la fille de l’encre…. Je me laisserais bien tenter… mais par un autre opus.

  7. Ah ! Depuis ton post sur IG j’attendais avec impatience ton billet !
    Je partage ton enthousiasme ! Je n’en avais jamais lu du Angot. Bêtement bloquée sur les côtés « trop égo centrés » du personnage… (Pourtant on peut facilement lui pardonner).
    Je dois dire que ça m’a fait l’effet d’une claque !
    Ce qui m’a particulièrement touchée c’est sa tentative d’explication sociologique à l’aveuglement de sa mère. Toute cette violence sociale, cette domination même dans « l’amour » soit disant de son père pour sa mère…
    Mais, hein, bon, moi j’ai fait des études sociologiques ;)

  8. Wow quelle chute ! J’ai toujours regardé de loin le phénomène Angot comme un truc germano-pratin galvaudé, un objet intello dont je restais à distance… Et là, bam, paf, plof, tu me donnes envie de la lire et de réviser un peu mes préjugés.

    1. Mais oui, quelle dureté ! Cette femme n’a rien commis de grave. A part être over-exposée… Parce que nous la regardons !

  9. C’est fou, parce qu’en lisant vos commentaires, je m’aperçois que nous avions toutes la même vision, plutôt négative de Angot (intello, torturée, gênante, etc…), alors que, comme le dit si bien Anna Chiara, on pourrait facilement lui pardonner vu son histoire.

    Alors qu’est-ce qui fait que nous sommes si intransigeantes au sujet de ce personnage, victime d’un crime horrible, alors que nous sommes des femmes et que nous pourrions avoir un minimum de compassion.
    J’avoue que je ne comprends pas cette dureté partagée par beaucoup, au sujet de Angot. Quelque part, ça me perturbe.

    1. Je pense qu’elle-même n’a pas forcément envie de toucher les gens de cette manière,de suciter la compassion, la connivence. En tout cas c’est l’impression qu’elle me donne en interview, et dans ses textes. J’ai lu il ya bien longtemps « l’inceste », qui m’a beaucoup marquée, mais j’ai le souvenir d’une grande distance ressentie avec elle, et malgré le thème difficile et hautement « compassionnel », je n’ai rien ressenti de tel pour elle, je crois que son style d’écriture avait beaucoup joué là-dedans. Est-ce volontaire de sa part ? je ne sais pas …

    2. Oui, je suis complètement d’accord avec Petite G. Angot ne cherche pas à « être aimée » quand on l’entend ou qu’on la lit. Elle dérange je crois d’ailleurs autant les personnes qui n’ont jamais connu de violences (la précision presque chirurgicale de certaines scènes de « une semaine de vacances » m’avait donné des hauts le coeur au sens propre) que celles qui ont vécu ce qu’elle décrit dans ses romans.
      Le style y est pour beaucoup, mais personnellement je supporte de toute façon de moins en moins la violence (#ça doit être un syndrome de la vieillesse approchante, ma mère était pareil et ça me faisait bien rigoler, avant!). J’ai lu « Persona – les différents visages de Victoria Bergman » cet été, et si le style est assez différent de celui d’Angot (et qu’il s’agit je pense d’une fiction pure ?), les scènes d’inceste m’ont été aussi très difficiles à lire…
      Violette, tu me donnes quand même envie de lire le dernier Angot, je vais en parler à ma libraire favorite.

  10. Hello, Je l’ai lu aussi et tout ce qui touche à la relation mère/fille m’a aussi -forcément- beaucoup parlé et touché. Par contre, j’ai lu beaucoup de ses livres et je vais m’arrêter là, je crois. C’est horrible ce que je vais écrire mais je ne supporte plus d’être le « témoin un peu voyeur » de l’inceste qu’elle a subi et qui hante tous ses livres. Le summum étant « une semaine de vacances ».

    1. Je ne trouve absolument pas horrible ce que tu écris, au contraire c’est très lucide et assez proche de ce que je ressens moi-même.

  11. Intéressants ces échanges…! Pour ma part, avec le recul, je crois que je ne lisais pas de Angot par « peur ». J’ai toujours trouvé qu’elle avait un côté « dérangeante » qui (je le reconnais…) me mettait franchement mal à l’aise, j’avoue ! D’ailleurs, je ne suis pas certaine de me précipiter pour lire les précédents. Là, son écriture m’a vraiment fait penser à Annie Ernaux !…

  12. Je n’ai absolument jamais pensé tout ceci de Christine Angot, surement parce que avant de penser quoique ce soit sur elle j’ai lu ses livres. Cette femme est brillante et écrit follement bien…Allez l’écouter en podcast dans Boomerang sur France Inter ! Peut être n’est elle pas politiquement correct mais qu’est ce que ça fait de bien ds ce monde tellement tellement lisse ….Et puis Violette tu te demandes pourquoi elle dérange alors qu’elle a subi un crime atroce, et bien parce que dans notre société judéo chrétienne, l’inceste c’est certes mal mais on n’en parle aps…c’est mal !

  13. Ah tu as aimé ? Elle n’a vraiment pas fait d’effort d’écriture je trouve. Ta Cyclamen aurait écrit tout aussi bien.. Je n’ai jamais pu terminer un livre d’Angot et celui la en lisse pour le Goncourt ne le mérite pas, tant d’autres sont tellement mieux. Lis « Profession du Père  » de Sorj Chalandon, l’inverse : père fou et fils aimant…. C’est absolument parfait.

  14. Je n’ai toujours pas envie de lire cet auteur. Et ce que tu en écris (même si, en effet, tu m’as fait douter) me le confirme. J’ai un peu de mal avec la littérature « nombriliste ». Je m’y ennuie.
    Par contre, je suis très sensible à ce que tu dis « alors que nous sommes des femmes et que nous pourrions avoir un minimum de compassion ».
    J’ai eu la chance de ne jamais subir ce genre de violence. Et je ne suis pas très à l’aise avec le traitement que les gens (et les femmes?) réservent à Christine Angot. Je ne suis pas certaine de l’apprécier et encore moins d’aimer cette littérature (mais je suis moitié con en matière de livres…). Par contre, j’ai le sentiment qu’elle « mange chaud ». J’ai dans l’idée que les gens écrivent ou filment « pour dire » (avec plus ou moins de sincérité certes) et que d’autres décident de rendre ça public et achetable. Du coup, la question de l’intention m’embarrasse. Idem pour l’accusation. (et puis, taper sur les victimes qui exprimeraient trop/maladroitement/violemment/indécemment leur douleur m’indigne.)
    L’exposition médiatique des écrivains résonne comme une justification. Et je suis convaincue qu’écrire n’est pas parler à la TV. Ecrire seul et tout à coup: s’en expliquer…
    Je ne sais pas si je suis claire. J’ai une pseudo-excuse, je ne suis pas écrivain.
    Pour la question sur la façon dont un texte est écrit, je ressens un peu la même chose. Qui juge la qualité de l’effort? Comment le juge t’on? (Je veux bien mais est-ce qu’il ne faudrait pas avoir lu tout Gérard Genette avant? J’en suis un peu fan en fait).
    Tu sais, en t’écrivant tout cela, je repense à une question que je me pose souvent, et du coup, comme ton blog n’est pas qu’une histoire de fringues (ou d’accessoires hors de prix… ;) ), j’ai envie de te demander: est-ce qu’on peut dire d’une oeuvre qu’elle est géniale alors que son auteur nous débecte (pédophile, antisémite, salopard…)?
    Bon, je te laisse, j’ai un problème de mathématiques à résoudre pour t’envoyer ceci.

    1. De talent? Tu te moques?
      « manger chaud »: en prendre plein la gueule pour pas un rond.
      L’auteur qu’on aime détester… Aux dépends de l’oeuvre.
      Genette c’est comme la mer: au début, elle est froide…
      Je ne juge pas les gens qui exposent leur vie de merde, ils font bien comme ils veulent. Je jugerai plutôt ceux qui tentent de vendre la vie de merde des autres pour leur propre profit. Et encore, je fais (presque) ce que je veux de mon argent. Et j’ai tendance à penser qu’entre ne pas lire du tout et lire des conneries, il vaut mieux lire des conneries. (je peux me tromper!)
      Ce que je voulais dire (et j’ai raté un peu) c’est que cet auteur écrit ce qu’elle a à écrire. Point. Et s’en expliquer à la TV me semble un exercice périlleux.
      La littérature doit-elle s’expliquer? Et puis, qui doit l’expliquer, son auteur? Ses lecteurs? Des spécialistes? Tu sais, il y a là un peu du Cercle des poètes disparus: disséquer ou ressentir.

    2. Beaucoup de talent dans ce com. Je suis complètement d’accord avec même si je n’ai pas tout compris sur le « manger chaud » mais je comprend il y a ceux qui ne crie pas leur malheur sur les toits et ceux qui s’exposent avec leur vie de merde et qui en tire profit. Sinon je suis allé voir qui était Gérard Genette, bon c’est du costaud quand même.

    3. Happy Lily, je crois que l’on peut lire toute œuvre, quelqu’en soit l’auteur. On admire Canaletto, Rubens ou Michel-Ange, et peut-être étaient-ils d’immondes salauds. J’aime « le voyage au bout de la nuit » et pourtant Céline, hein. Bref, qu’importe le flacon qu’est l’auteur, du moment qu’on a l’ivresse de la lecture.
      Ce n’est que mon point de vue. Et j’avoue avoir du mal avec la littérature-nombril aussi.

    4. Dominique: oui je suis tout à fait d’accord avec toi, peut-être étaient-ils d’immondes salauds. Mais une fois qu’on le sait avec certitude? Je n’arrive pas à oublier pour Noir Désir, je suis mal à l’aise avec Gide et Céline.
      Et aussi avec Jean-Luc Lahaye (je plaisante, je plaisante).
      Une fois qu’on le sait, on arrive à oublier?
      Un politicien qui aurait plein de bonnes idées mais qui serait un violeur de femmes de chambre? (je ne vois pas de qui je parle).
      Un peu comme un plat qui serait très bon. Mais une fois qu’on saurait que c’est du chien ou du chat dedans…
      Je confonds tout?

    5. HappyLilly, je partage ton point de vue. Je me laisse vite dépasser par le flacon même si l’ivresse est là (pourtant j’aimais beaucoup « Débarquez-moi », mais bon Jean-Luc a merdé).

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